Les trois ingrédients d’un système résilient

Les études disponibles sur ce qui rend un système résilient, permettent d’affirmer qu’il y a trois caractéristiques essentielles de la capacité d’un système à se réorganiser à la suite d’un choc. Ces caractéristiques sont:

• la diversité
• la modularité
• la proximité des rétro-actions

La diversité concerne le nombre d’éléments qui composent un système particulier, que ceux-ci soient les individus, les activités industrielles, les institutions ou les sources d’aliments. La résilience d’un système vient non seulement du nombre d’éléments qui font cette diversité, mais aussi du nombre de connexions entre eux. La diversité fait aussi référence à la diversité des fonctions dans la communauté (plutôt que de dépendre seulement d’une seule p.ex le tourisme ou une activité minière) et à la diversité des réponses potentielles aux défis, permettant ainsi une plus grande flexibilité. La diversité dans l’utilisation des terres – fermes, marchés maraîchers, aquaculture, vergers, plantations de noyers, noisetiers… – est capitale pour la résilience de la communauté, et leur érosion au cours des années récentes a coïncidé avec le développement des monocultures, qui, par définition, créent une absence de diversité.

Un autre aspect de la diversité est celui de la diversité entre les systèmes. L’ensemble de solutions opérationnelles à un endroit ne réussiront pas nécessairement ailleurs; à cause des paramètres démographiques et physiques qui sont uniques, chaque communauté élaborera ses propres solutions, ses propres réponses et ses propres moyens. Ceci est important pour deux raisons primo parce que toute solution imposée d’en haut est inopérante car ceux qui sont ‘en haut’ n’ont la connaissance ni de la situation locale ni des réponses à y apporter. Secundo parce que construire la résilience c’est essentiellement travailler à des petits changements dans un grand nombre de niches locales, impliquant un grand nombre de petites interventions et non un petit nombre de grandes interventions.

D’après les écologistes Brian Walker and David Salt, le terme modularité concerne la “manière selon laquelle les composants d’un système sont liés entre eux ”. A la fin de 2007, la crise de la banque Northern Rock a créé un problème majeur ainsi que beaucoup d’incertitudes dans le système bancaire britannique. Cette situation a trouvé son origine aux USA à des milliers de km dans la multiplication de prêts à haut risque à des acheteurs de maison, ce qui, sur une période très courte, a contaminé une banque puis une autre, puis une autre encore, révélant combien le système bancaire globalisé si souvent vanté comme une des réussites de la globalisation de l’économie, pouvait aussi être l’une de ses plus grandes faiblesses. La nature très interdépendante des systèmes modernes très interconnectés permet à un choc de voyager rapidement à travers ces réseaux et d’avoir des effets potentiellement désastreux.

Dans une structure plus modulaire les parties d’un système peuvent s’auto organiser plus efficacement en situation de choc. Par exemple, à cause de la globalisation de l’industrie alimentaire, des animaux et des parties d’animaux sont transportées autour du globe, ce qui augmente l’incidence de maladies comme la grippe aviaire ou la maladie de la langue bleue. Réduire le transport des animaux et réintroduire des abattoirs et des unités de transformation au niveau local créeraient un système plus modulaire, avec des produits locaux pour les marchés locaux et un risque réduit d’une dispersion de maladies avec la rapidité vue dans les récents épizooties.

Quand on élabore des projets de descente énergétique pour des Initiatives de Transition, le concept de modularité est un concept clé: maximaliser la modularité avec plus de connections internes réduit la vulnérabilité de réseaux plus larges à subir des ruptures. Les systèmes alimentaires locaux, les modèles locaux d’investissement, etc … tout cela contribue à cette modularité, indiquant que l’on s’engage dans un monde plus vaste, mais dans une optique de partage d’information et d’une éthique de mise en réseau et non dans une dépendance réciproque.

La proximité des rétro-actions concerne la rapidité et l’importance avec lesquelles les conséquences d’un changement à un endroit d’un système sont ressenties et prises en compte à un autre endroit. Walker and Salt écrivent: “les gouvernances centralisées et la globalisation peuvent affaiblir les capacités de réaction. Lorsque le temps de réaction s’allonge, la probabilité augmente d’atteindre un seuil de réaction sans être capable de le détecter à temps.” Dans un système plus localisé, les résultats des actions sont plus perceptibles.

On ne souhaite pas une utilisation excessive de pesticides ou d’autres polluants dans sa région, mais on semble très heureux de tolérer leur utilisation dans d’autres parties du globe. Dans un système globalisé, les conséquences et l’impacte de l’érosion des sols, les bas salaires et l’utilisation de pesticides restent des signaux faibles . Resserrer les boucles de réaction aura des résultats positifs en rapprochant les conséquences de nos actions de notre maison, plutôt que de les maintenir tellement éloignées de notre capacité de prise de conscience que nous ne les détectons même plus. Quand les gens vivent off the grid en terme d’énergie, ils ont davantage conscience de leur consommation en partie parce qu’ils sont plus proches de son site de production – la boucle de réponse est plus petite.