Six principes qui sous-tendent le modèle de Transition

Il y a, selon moi, six principes qui définissent les spécificités du concept de Transition. Ils ont émergé de l’observation du processus en cours, et je pense qu’ils résument parfaitement ce que cette approche évolutive a d’unique.

Visualisation

Le concept de visualisation a été expliqué en détail dans le chapitre 7. Dans le contexte de ces six principes, la visualisation désigne le fait que l’approche de Transition possède la conviction fondamentale que nous ne pouvons nous diriger vers quelque chose sans imaginer ce que cela fera d’y être. La vision que nous avons en tête quand nous commençons cette tâche détermine dans une large mesure l’endroit où nous arriverons. Travaillons-nous à réaliser la « Techno-explosion » d’Holmgren (voir p. 46), ou peut-être quelque chose de plus réaliste et de plus désirable ? Élaborer une vision claire et attrayante du résultat souhaité est un principe de base du processus de Transition.

Intégration

Nous ne pouvons relever un défi aussi étendu que celui du pic pétrolier et du changement climatique en choisissant de rester dans nos zones de confort, les « verts », ne parlant qu’à d’autres « verts », les hommes d’affaires à d’autres hommes d’affaires, etc. L’approche de Transition cherche à favoriser une intensité de dialogue et d’intégration rarement atteinte auparavant, et elle a commencé à développer des méthodes innovantes pour y arriver. On considère cela comme un principe de base, simplement parce que nous n’avons aucune chance de réussir sans lui.

Conscientisation

La fin de l’Âge du Pétrole est une période déroutante. Nous sommes constamment exposés à un mélange déconcertant de messages. Les médias nous présentent des tittres tels que « D’après une nouvelle étude, le déclin accentué de la production pétrolière entraîne des risques de guerres et de troubles », et « D’après une étude, les émissions de carbone augmentent plus vite que prévu », et en même temps la publicité émet le message contradictoire que le train-train habituel est notre seule perspective, que la mondialisation est le seul modèle capable de nourrir le monde et que le prochain achat nous rendra heureux. Et le constrast est parfois saisissant, avec un article sur la fonte de la couverture glacée de l’Arctique en face d’une publicité pour une nouvelle voiture ou des vols bon marché. 

Les médias auxquels nous sommes de plus en plus exposés nous délivrent des messages doubles, qui peuvent nous laisser perplexes. Parfois, de nouvelles Initiatives de Transition estiment qu’elles n’ont pas trop besoin de provoquer de prise de conscience, parce que tout le monde devrait être au courant de ces problèmes aujourd’hui, mais il est essentiel de partir de la supposition que les gens ne connaissent rien sur ces questions. Nous ne devons leur supposer aucune connaissance préalable, et exposer la situation de façon aussi claire, accessible et divertissante que possible, en donnant aux gens les arguments de base pour les laisser formuler leurs propres réponses.

Résilience

Dans le chapitre 3, nous avons exploré le concept de résilience, mais il est utile de rappeler ici qu’en plus du besoin de se diriger rapidement vers une société sans carbone, la reconstruction de la résilience est centrale au concept de Transition. De fait, si l’on s’occupait de l’un sans l’autre, on ne relèverait aucun de ces défis.

Intuitions psychologiques

Des intuitions issues de la psychologie sont également essentielles au modèle de Transition. On comprend que l’un des obstacles principaux à l’engagement est l’impression d’impuissance, d’isolement et d’écrasement que les problèmes écologiques créent souvent. Ces problèmes ne placent pas les gens dans une position d’où ils peuvent entamer une action, que ce soit en tant qu’individu ou en tant que communauté. Le modèle de Transition se sert permièrement de ces intuitions en créant une vision positive (voir principe 1, p. 141), deuxièmement en concevant des lieux sans danger où les gens peuvent parler, digérer et évaluer comment ces questions les affectent, et troisièmement en confirmant les démarches et les actions que les gens ont entreprises et en intégrant au processus autant d’occasions de fêter les réussites que possible. Ce rassemblement – le sentiment de ne pas être la seule personne au monde qui a conscience du pic pétrolier et du changement climatique et qui trouve cela effrayant – est très puissant. Il permet aux gens de sentir qu’ils participent à une réponse collective, qu’il font partie de quelques chose de plus grand qu’eux.

Solutions crédibles et appropriées

Dans le film What a Way to Go: Life at the End of Empire, Tim Bennett parle de ce qu’il appelle le « chapitre heureux », à la fin de la plupart des livres sur l’environnement, qui consacrent neuf chapitres à vous expliquer combien tout est horrible, et un à la fin avec quelques solutions-bonus. De même, j’ai entendu bien des conférences où l’orateur exposait l’ampleur du défi climatique, et terminait par une diapositive où il était question de diminuer nos thermostats et de changer nos ampoules.

Il est important que les Initiatives de Transition, après avoir présenté les arguments du pic pétrolier et du changement climatique, permettent aux gens d’explorer des solutions à une échelle crédible. L’une des raisons de ce qu’on peut appeler le « syndrome des ampoules électriques » est que les gens ne peuvent souvent imaginer que deux niveaux de réponses : soit les individus font des choses chez eux, soit le gouvernement agit à l’échelon national. Le modèle de Transition explore le terrain entre les deux : ce qui peut être accompli au niveau de la communauté.

 (Traduction par Guy Morant, d’après The Transition Handbook, de Rob Hopkins)