Valorisation des déchets industriels : de la poubelle aux trésors verts
Imaginez un monde où rien ne se perd, où tout se transforme Un monde où les déchets industriels ne finissent plus dans des décharges à ciel ouvert, mais deviennent la matière première de nouveaux produits Ce n’est pas un rêve futuriste, mais bien une réalité émergente appelée économie circulaire.
L’économie circulaire bouleverse les schémas traditionnels de production et de consommation linéaires en réinventant totalement le cycle de vie des produits Au lieu d’extraire, fabriquer, consommer et jeter, le nouveau modèle prône une utilisation optimale des ressources grâce au réemploi, à la réparation, au reconditionnement et au recyclage Les déchets ne sont plus une fin, mais un nouveau départ.
Le tri, première étape cruciale
Pour valoriser efficacement les déchets industriels, le tri constitue la pierre angulaire du processus Dès leur source, il est essentiel de séparer méthodiquement les flux selon leur nature : plastiques, métaux, papiers, déchets organiques, résidus dangereux, etc.
Ce tri minutieux représente souvent un défi logistique et financier pour les entreprises Pourtant, certaines pionnières ont déjà franchi le pas, à l’image du groupe Faurecia L’équipementier automobile a mis en place un programme de collecte et de tri des déchets plastiques directement sur ses sites de production Résultat ? Plus de 25 000 tonnes de plastiques ont pu être valorisées en 2021, soit une augmentation de 40% en un an.
Les centres de tri, maillons indispensables
Une fois triés à la source, les déchets industriels prennent la route des centres régionaux de tri et de valorisation Ces installations high-tech constituent un maillon essentiel de la chaîne en séparant et en conditionnant les différents flux de déchets avant leur orientation vers les filières appropriées.
Pour minimiser les transports et leur impact carbone, ces centres visent une approche territoriale de proximité Ils accueillent aussi bien les déchets des entreprises que ceux des collectivités locales pour une gestion rationalisée à l’échelle d’un bassin de vie.
Au cœur de ces centres, des procédés innovants sont sans cesse développés pour valoriser toujours plus de types de déchets Parmi eux, on peut citer les techniques de régénération de solvants ou d’extraction de métaux précieux pour les effluents de l’industrie chimique.
Chaque secteur industriel a ses propres spécificités en termes de déchets C’est pourquoi les solutions de valorisation se doivent d’être sur-mesure pour former une boucle vertueuse parfaitement circulaire.
Le BTP récupère ses gravats
Dans la construction, le réemploi et le recyclage des matériaux sont devenus incontournables Les déchets inertes comme le béton, les briques ou les gravats sont concassés pour servir de granulats recyclés sur les nouveaux chantiers.
Des initiatives voient même le jour pour réutiliser les matériaux directement, sans transformation C’est le cas du Plateau Urbain, une plateforme en ligne qui met en relation les professionnels pour faciliter le réemploi d’éléments de construction d’occasion.
L’agroalimentaire mise sur le vert
Du côté de l’agroalimentaire, la méthanisation des déchets organiques est devenue une filière phare Les résidus verts, les tontes de gazon, les déchets de cuisine mais aussi les boues d’épuration des eaux usées sont transformés en biogaz et en compost par fermentation.
Le groupe Fimalin Environnement allie même ce procédé à une bouilloire à biomasse pour valoriser la totalité des déchets de ses sites industriels Un modèle 100% circulaire zéro déchet qui produit à la fois chaleur et électricité verte !
Le recyclage chimique évolue
L’industrie chimique n’est pas en reste avec le développement de techniques innovantes Entreprises comme Sarpi Veolia permettent de régénérer les solvants usagés et de capter les émissions atmosphériques pour les recycler.
Du côté des métaux, le recyclage est aussi roi avec la récupération d’éléments précieux comme l’or, le platine ou le palladium contenus dans les déchets industriels Ces filières de « mine urbaine » pourraient bientôt répondre à 20% des besoins mondiaux en métaux.
Logistique : réutiliser les emballages
Dans la Supply Chain, le réemploi devient tendance pour les emballages, palettes et caisses en plastique ou en bois Des plateformes dédiées fleurissent pour permettre à ces emballages de tourner en boucle d’une entreprise à l’autre.
Accélérer vers l’économie de la fonctionnalité
Mais pour aller plus loin dans la circularité, les entreprises doivent repenser leur modèle économique L’économie de la fonctionnalité, ou l’usage mutualisé des biens plutôt que leur possession individuelle, représente la prochaine étape à franchir.
Dans ce schéma, une entreprise ne vend plus un produit, mais un service d’utilisation C’est le cas de Michelin qui propose des pneus en location avec un paiement au kilomètre Cette formule incite le manufacturier à concevoir des pneus plus durables et réparables.
Ce type de démarche, encore marginale, pourrait bien se généraliser face à la pression réglementaire et sociétale La loi AGEC de 2020 contraint d’ailleurs les entreprises à intégrer des critères de réparabilité dans la conception de leurs produits.
Le rôle moteur des pouvoirs publics
Pour accélérer définitivement cette transition circulaire, le levier réglementaire reste cependant indispensable Au niveau national comme européen, les pouvoirs publics se mobilisent pour structurer les filières et faciliter le développement de nouveaux modèles économiques.
Outre la loi AGEC, les Responsabilités Élargies des Producteurs engagent les industriels à contribuer financièrement au recyclage de leurs produits en fin de vie Des aides sont aussi disponibles comme les crédits d’impôt pour l’économie circulaire.
Mais ces incitations réglementaires et financières doivent être renforcées pour relever les défis colossaux qui attendent les entreprises dans leur transformation, autant sur les plans techniques, organisationnels qu’économiques.
Le « zéro déchet » dans le viseur
Quels que soient les freins, un nombre croissant d’entreprises ont déjà placé l’objectif « zéro déchet » au cœur de leur stratégie En France, Zara s’est engagé à ne plus envoyer aucun déchet en décharge ou à l’incinération d’ici 2025.
Des PME peuvent aussi montrer l’exemple, comme Roquette Plein, une entreprise spécialisée dans les produits rotisserie 100% locaux et circulaires Tous les déchets organiques sont valorisés par compostage, tandis que les emballages sont réemployés à l’infini dans une logique générale « zéro gaspillage ».
Atteindre l’objectif « zéro déchet » reste un défi de taille pour de nombreuses entreprises Mais au-delà des considérations environnementales, cette démarche leur offre de réelles opportunités économiques.
Créer de la valeur avec les déchets
En valorisant leurs déchets plutôt que de les traiter comme des résidus ultimes, les industriels transforment un coût en une nouvelle source de revenus Ils génèrent également des économies substantielles en réduisant leurs besoins en matières premières vierges.
À plus grande échelle, cette gestion circulaire des ressources sécurise les approvisionnements et réduit la dépendance aux importations Un enjeu stratégique majeur pour bon nombre de filières industrielles nationales.
Créer des emplois non délocalisables
Le déploiement d’une véritable économie circulaire représente aussi un formidable gisement d’emplois locaux et non délocalisables Tous les nouveaux métiers liés à la collecte, au tri, à la réparation, au réemploi ou au recyclage participeront à la revitalisation des bassins industriels.
Selon une étude de l’Ademe, la généralisation d’une économie 100% circulaire en France pourrait créer jusqu’à 700 000 emplois supplémentaires à l’horizon 2030 et produire un gain cumulé de 330 milliards d’euros de PIB !
Mobiliser les citoyens
Mais ce changement de paradigme économique ne pourra réussir qu’avec l’engagement de tous les acteurs : entreprises, pouvoirs publics, mais aussi citoyens consommateurs.
En privilégiant les produits éco-conçus, réparables ou issus du réemploi, les consommateurs enverront un signal fort aux industriels pour accélérer leur transition Des applications pour identifier les produits circulaires ou donnés une seconde vie aux objets se développent d’ailleurs dans cette optique.
Avec des fabricants et des consommateurs pleinement conscients de l’urgence d’une économie plus économe en ressources, l’avènement d’un véritable modèle circulaire vertueusement économique, social et environnemental pourra enfin devenir réalité.
Des exemples inspirants à suivre
Certaines villes ont déjà fait le pari de cette économie circulaire pour valoriser 100% de leurs déchets Exemple avec la commune d’Yssingeaux en Haute-Loire qui a misé sur une combinaison de méthanisation, de recyclage et de valorisation énergétique pour atteindre le « zéro déchet ».