Eunice Newton Foote : la pionnière oubliée qui a défié les normes pour révéler l’effet de serre

Au milieu du 19ème siècle, alors que les femmes se battaient pour une place légitime dans le monde scientifique, une pionnière a fait une découverte révolutionnaire qui allait éclairer notre compréhension du climat. Son nom ? Eunice Newton Foote. Pourtant, ses travaux ont été négligés pendant des décennies avant d’être redécouverts récemment. Voici l’histoire fascinante de cette femme d’exception.

Les prémices d’une découverte historique

En 1856, alors que la science était un bastion essentiellement masculin, Eunice Newton Foote réalisait une expérience domestique qui allait changer notre vision du monde. Dans le Connecticut, cette femme brillante mais issue d’un milieu modeste défiait les conventions en s’adonnant à la recherche scientifique.

Son étude novatrice consistait à exposer différents gaz au soleil dans des cylindres de verre. Ses observations l’amenèrent à une conclusion fracassante : le dioxyde de carbone piégeait davantage la chaleur que l’air ambiant. Eunice avait mis en lumière le phénomène naturel qui allait être plus tard qualifié d' »effet de serre« .

Un accueil glacial de la communauté scientifique

Malgré l’importance de sa découverte, la jeune chercheuse fit face à un mur de préjugés. Lorsqu’elle présenta ses résultats devant l’Association Américaine pour l’Avancement des Sciences (AAAS) en 1856, un homme dut se charger de l’exposé, les femmes n’étant pas autorisées à prendre la parole.

Pire encore, ses conclusions furent tout bonnement ignorées par ses pairs masculins, obnubilés par les théories en vogue à l’époque. Trois ans plus tard, un scientifique irlandais du nom de John Tyndall fut célébré pour avoir, lui aussi, mis en évidence le rôle du CO2. Le brillant travail d’Eunice Foote fut relégué aux oubliettes.

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L’oubli pendant plus d’un siècle

L’éclipse par John Tyndall et les autres scientifiques masculins

Alors qu’Eunice Newton Foote avait démontré de manière limpide le rôle du CO2 dans l’effet de serre dès 1856, ses découvertes furent complètement éclipsées par celles d’un homme quelques années plus tard. En 1859, le physicien irlandais John Tyndall répéta des expériences similaires et publia ses résultats, qui furent immédiatement encensés par la communauté scientifique.

Tyndall bénéficia d’une aura et d’une crédibilité que n’avait pas Eunice Foote en tant que femme. Ses travaux furent largement diffusés et discutés, pendant que ceux de la pionnière américaine tombaient dans un oubli complet. Fait révélateur, Tyndall ne mentionna jamais les recherches préalables d’Eunice pourtant publiées quelques années auparavant.

Les raisons de cet oubli

Derrière cette négligence scandaleuse se cachaient deux facteurs clés : le manque de relais pour diffuser les découvertes des femmes scientifiques, et les préjugés tenaces sur leurs compétences.

À l’époque, il n’existait aucun réseau permettant de faire connaître et circuler les travaux remarquables réalisés par les rares femmes admises dans la sphère scientifique. En l’absence de ces canaux de diffusion, des avancées majeures comme celles d’Eunice Foote étaient vouées à rester confidentielles.

Qui plus est, la société du 19ème siècle était profondément ancrée dans une mentalité sexiste qui refusait de reconnaître la légitimité et le sérieux des femmes dans les domaines intellectuels. On les considérait comme des amateures dénuées de rigueur, indignes d’être prises au sérieux.

L’effet Matilda et autres exemples d’éclipses

Le cas d’Eunice Newton Foote illustre un phénomène bien connu sous le nom d’« effet Matilda ». Ce terme désigne la tendance répandue à dénier ou minimiser les contributions scientifiques des femmes, au profit de leurs homologues masculins.

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De nombreuses pionnières ont ainsi vu leurs découvertes éclipsées ou accaparées par des hommes :

  • La physicienne Lise Meitner ne reçut aucune reconnaissance pour sa participation à l’explication de la fission nucléaire.
  • Rosalind Franklin réalisa des travaux essentiels sur l’ADN qui permirent à Watson et Crick d’en découvrir la structure en hélice, sans jamais être créditée.
  • Nettie Stevens identifia le rôle des chromosomes dans la détermination du sexe plusieurs années avant son collègue Thomas Hunt Morgan, qui reçut le prix Nobel pour cette découverte.

L’effet Matilda a longtemps privé ces femmes de génie de la gloire qu’elles méritaient, dans un triste reflet des inégalités qui marquaient le monde scientifique.

La redécouverte au 21ème siècle

Le rôle clé de Ray Sorenson en 2011

Pendant plus d’un siècle, le brillant héritage d’Eunice Newton Foote était resté dans l’ombre. Jusqu’à ce qu’un géologue américain à la retraite, Ray Sorenson, ne remette le projecteur sur cette figure oubliée en 2011.

En effectuant des recherches sur les prémices de la découverte de l’effet de serre, Sorenson est tombé par hasard sur la publication d’Eunice Foote datant de 1856 dans un vieux numéro de l’American Journal of Science and Arts. Stupéfait par la clarté de ses conclusions, il n’en crut pas ses yeux : une femme avait devancé les grands noms sur ce sujet !

Décidé à sortir Foote de l’ombre, le géologue déploya alors tous ses efforts pour remettre en lumière ses travaux pionniers. Il lança une véritable campagne de réhabilitation, multipliant les publications et les interventions pour faire connaître cette illustre méconnue.

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La reconnaissance tardive

Contre toute attente, la ténacité de Sorenson finit par payer. En 2020, soit 164 ans après sa découverte fracassante, Eunice Foote fut enfin célébrée officiellement par l’AAAS lors d’une cérémonie réparatrice.

Les scientifiques redécouvraient avec émerveillement la perspicacité de cette femme d’exception, capable de percer les mystères de l’effet de serre avec des moyens si rudimentaires. Certains n’hésitèrent pas à remettre en cause la probité de John Tyndall, soupçonné d’avoir eu vent des travaux de Foote avant de se les accaparer.

L’importance de reconnaître cette pionnière

Au-delà de l’hommage légitime rendu à Eunice Newton Foote, la redécouverte de son rôle majeur revêt une importance capitale à trois niveaux :

1) Il s’agit d’abord de rendre justice à une contribution scientifique trop longtemps spoliée. Les découvertes d’Eunice éclairent d’un jour nouveau nos connaissances sur le changement climatique, un enjeu d’une brûlante actualité.

2) Ensuite, la réhabilitation de Foote participe à briser le plafond de verre dans lequel se heurtent encore trop de femmes scientifiques. Reconnaître ses mérites exceptionnels encourage les nouvelles générations à persévérer.

3) Enfin, rectifier les erreurs historiques comme celle-ci permet de corriger les biais systémiques qui ont longtemps prévalu dans l’écriture de l’Histoire des sciences. C’est rétablir une vérité essentielle au progrès.

Conclusion

Eunice Newton Foote auraparcouru un chemin semé d’embûches : issue d’un milieu modeste, pionnière incomprise et éclipsée par ses pairs masculins, elle aura dû attendre plus de 150 ans pour voir son génie enfin salué. Pourtant, sa découverte précoce du phénomène d’effet de serre n’a rien perdu de sa pertinence dans le monde contemporain, rongé par les dérèglements climatiques.

Son destin souligne avec force la nécessité de réhabiliter les nombreuses femmes de science injustement passées sous silence. Que d’autres Eunice Foote sommeillent encore dans les tréfonds des bibliothèques ?

En exhumant ces pépites enfouies, nous rendons non seulement justice à des esprits brillants, mais nous redonnons de l’éclat à la vérité scientifique. Mettons fin au monopole des héros à la gloire usurpée : l’avenir de nos connaissances se construit dans la reconnaissance du mérite, quel que soit le genre de ceux qui l’incarnent.