Le concept de résilience est central dans ce livre. En écologie, le terme résilience fait référence à la capacité d’un écosystème à s’adapter à des évènements (chocs) extérieurs et des changements imposés.Walker et ses collaborateurs la définissent comme:
“La capacité d’un système à absorber un changement perturbant et à se réorganiser en intégrant ce changement, tout en conservant essentiellement la même fonction, la même structure, la même identité et les mêmes capacités de réaction.”
Dans le contexte des communautés humaines, il renvoie à leur capacité de ne pas disparaître ou se désorganiser au premier signe d’une pénurie par exemple de pétrole ou de produits alimentaires mais, au contraire, de répondre à ces crises en s’adaptant.
La contestation des chauffeurs de camion au Royaume-Uni en 2000 offre, à ce sujet, un bel exemple. A cette époque, et en l’espace de 3 jours, l’économie britannique a frôlé la catastrophe quand il est apparu évident que ce pays n’était plus qu’à 24h d’une pénurie alimentaire et d’une insurrection des citoyens. Peu de temps avant que cette contestation ne trouve une issue favorable, Sir Peter Davis, Président de Sainsbury’s (grande distribution), a envoyé une lettre à Tony Blair (alors premier ministre) disant que la pénurie alimentaire pouvait apparaître endéans « quelques jours et non plus quelques semaines ». La fragilité de l’illusion que, comme affirmé dans un document officiel de 2003, “la sécurité alimentaire nationale n’était ni nécessaire ni souhaitable,” devenait soudainement évidente. Il devenait clair que la société britannique n’avait plus aucune “résilience” disponible pour faire face et qu’elle était, en fait, à 3 jours d’une famine qui pouvait surgir à tout moment, une situation qui évoquait le vieux dicton qui dit qu’une « civilisation a seulement l’épaisseur de 3 repas ». Nos sociétés sont devenues complètement dépendantes du totalement imprévisibles, et elles n’ont pas de Plan B.
Le concept de résilience est différent de celui de subsistance qui est plus fréquemment utilisé. Une communauté peut, par exemple, faire campagne en faveur du recyclage des plastiques en proposant d’organiser des collectes de tous les plastiques industriels et domestiques en vue de les recycler. Bien que certainement bénéfique pour l’environnement dans sa globalité, une telle mesure n’ajoute pratiquement rien en terme de résilience pour la communauté en question. Peut-être qu’une meilleure solution (à côté de celle tout aussi nécessaire de produire moins de déchets plastiques), serait de développer d’autres utilisations de ces déchets plastiques nécessitant des procédés minimalistes comme, par exemple, la production de blocs de construction compacts ou de matériaux d’isolation à usage local. Simplement collecter les déchets et les envoyer ailleurs, ne renforce pas la position de la communauté ni sa capacité à répondre d’une manière créative aux changements et autres évènements (chocs). Le même raisonnement s’applique à certaines des stratégies proposées par les campagnes relatives aux changements climatiques qui ne tiennent pas compte du pic du pétrole. Planter des arbres pour créer des territoires boisés dans la communauté peut absorber le carbone (bien que la communauté scientifique reste divisée à ce sujet) et être bénéfique pour la biodiversité, mais cela contribue peu à créer de la résilience ; au contraire planter une ‘agroforêt’ ou des fruitiers, noyers, châtaigniers… d’une manière bien pensée et bien planifiée y contribue.
L’initiative des forêts du millénium ont ainsi raté l’immense occasion d’installer une ressource clé: le Royaume uni pourrait en effet disposer aujourd’hui de arbres fruitiers à travers tout le pays produisant des fruits (à la fois littéralement et métaphoriquement).
Selon l’économiste David Fleming, les bénéfices pour une communauté à haute résilience seront que:
• Si une partie est détruite, le choc ne se répercutera pas à travers tout le système
• Il y a une grande diversité de solutions développées avec créativité en réponse à des circonstances locales
• Elle peut couvrir ses besoins même sans des déplacements et des transports importants
• Les autres infrastructures et bureaucraties de l’économie des ‘intermédiaires’ sont remplacées par des alternatives adaptées aux besoins locaux à un coût drastiquement moindre.
Une résilience accrue et une économie locale renforcée ne signifie pas la construction d’un ‘mur’ autour de nos villes et communes ni que rien n’est autorisé à y entrer ou à en sortir. Ce n’est ni le rejet du commerce ni d’une manière ou d’une autre le retour, dans une version édulcorée, à un passé imaginaire. C’est l’acceptation d’un accès direct remarquable au bien-être et un moyen d’intégrer le meilleur de ce que nous pouvons nous rappeler et inventer. Ce qui est en jeu c’est d’être mieux préparé pour un future plus sobre, plus auto-suffisant, et donnant priorité au local sur l’importé.
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Traduction du chapitre 3 : « What is resilience ? » du Transition Handbook